A venir :
"Sociabilités Villageoises"
jusqu'au 31 décembre 2026

Edito

Lorsque la réflexion concernant notre exposition 2025 a débuté, il n’était pas question de sociabilités villageoises mais bien d’embrasser uniquement la thématique du café de Vassogne.

Rapidement, et grâce au formidable travail de classement et mise en ordre des archives du bistrot de Vassogne réalisé par Marie-Pascale Prévost-Bault, il apparut que ce lieu revêtait un périmètre beaucoup plus large que celui considéré initialement : on y trouvait aussi bien un débit de boissons, mais aussi une large offre en termes d’épicerie, de tabac et autres produits dérivés, une sorte de multiservices rural avant l’heure. De ce fait, l’exposition fut repensée pour décliner tous les aspects de ce commerce et les reflets de la vie au village : repas pris en famille, confiserie pour les jours de fête, «canon» accoudé au comptoir, échanges d’un jardin à l’autre, travaux du linge, cérémonies religieuses dont les dragées sont achetées à l’épicerie…

La boucle est bouclée. Un ensemble de sociabilités, que l’on juxtapose avec gourmandise pour en comprendre les principes.

Précisons d’emblée ce que n’est pas cette exposition : elle n’est pas un panégyrique des pratiques illustrées ; elle n’est pas non plus un écho à cette formule très en vogue : c’était mieux avant !

Car, il nous faudra tout d’abord comprendre et remettre en perspective la place des femmes, des hommes et des enfants dans cette société villageoise et en mesurer les changements en 100 ans. Il faudra aussi regarder comment la société de consommation va pénétrer progressivement ce monde villageois, pour désormais vendre ce qui était hier produit localement ; pour rendre indispensable le superflu et vulgaires les fondamentaux ; pour ouvrir de nouveaux horizons.

C’est bien de ces contradictions que va naître le monde rural contemporain. C’est sans doute aussi une des clés de compréhension de son mal être actuel.

Un regard sera aussi porté sur le jeu, les fêtes et commémorations au lendemain de la première Guerre Mondiale. On distinguera la place occupée par le religieux de celle du laïque. Nous évoquerons aussi ceux qui se souviennent. Tout cela crée un monde à plusieurs échelles spatiales et temporelles où l’on se rencontre, où l’on se sociabilise.

Une simple phrase vient annoncer la chute : « Le petit détaillant isolé est amené à disparaître ». Bien entendu me direz-vous, c’est une suite logique depuis 1990 ! Non. Ce tract est adressé aux petits commerçants dès les années 1950 par les grands magasins. De multiples actions tentent de faire survivre les bistrots et cafés en zone rurale. Les pratiques sociales et culturelles de ce type d’établissement sont aujourd’hui considérées au titre du patrimoine culturel immatériel et devraient faire l’objet de diverses protections, qui ne manqueront pas de mener au folklore, les tenanciers devenant des figurants.

Au moment de conclure ce texte, c’est à Solange Ruelle-Hautemont, dernière tenancière du café de Vassogne, que je pense. Elle n’a certes pas eu d’enfants repreneurs mais, lorsque l’on assiste à sa propre érosion commerciale, à quoi pense-t-on lorsque le rideau tombe pour la dernière fois ?

Stéphane Bedhome

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